vendredi 1 novembre 2013

Médaillon


Je vous présente un médaillon d'amitié, parti la semaine dernière au Texas (ça me fait rêver, tous ces voyages de mes réalisations...).
D'habitude, pour ce genre de commande, les clients m'envoient des photos. Pour ce médaillon, la cliente m'a envoyé un dessin en sa possession. J'ai refait un croquis pour adapter le dessin à mon style et aux deux compartiments du médaillon (le dessin déjà très stylisé m'a facilité la tâche).

 Le dessin d'origine...

 ... et mon interprétation (désolée pour le mauvais Photoshop, c'est juste un croquis rapide destiné à la validation)

Ce petit médaillon a été une belle aventure, comme souvent, mais il m'a donné bien du fil à retordre. D'abord parce qu'il a failli me coûter cher... Ma cliente souhaitait que je décore un médaillon bien particulier, en laiton doré à l'or fin et émaillé. Prise par le temps (le médaillon étant destiné à un anniversaire fin octobre), ma cliente a demandé à la boutique où elle l'a acheté (au Texas) de me faire parvenir directement le médaillon. Or la boutique n'a pas pris la peine de remplir les formulaires de douane et je me suis retrouvée à devoir payer 46 € de frais à la livraison du médaillon. Une surprise dont je me serais bien passée... Heureusement, ma cliente est en or et tout s'est vite arrangé. D'ailleurs, j'ai la poisse en ce moment : deux jours après cet épisode, j'ai reçu une facture UPS bien salée pour un cadeau que j'avais reçu le mois précédent des USA... J'adore les douanes américaines !

Les autres problèmes tenaient au médaillon lui-même : pour commencer il était beaucoup plus petit que les médaillons sur lesquels j'ai l'habitude de travailler (qui sont déjà très petits...).


Et surtout, il ne passait pas au four. Je ne vous ai jamais expliqué comment je réalise mes médaillons, pour faire bref : je construis le décor en pâte polymère (fond et portrait) directement à l'intérieur du médaillon en métal, puis je cuis le tout ensemble. Grâce à deux encoches dans chaque compartiment, la pâte polymère s'accroche au médaillon, ce qui fixe définitivement le décor en place.
Cette solution était impossible à mettre en œuvre avec ce médaillon particulier, car même si ce bijou est décrit partout (sur internet) comme émaillé, l'émail me semblait suspect. J'ai donc téléphoné au siège de la marque (française) pour m'assurer que l'émail était véritable, et la gérante m'a répondu qu'il s'agissait en fait d'émail à froid (appellation illégale et condamnée par la loi depuis quelques mois) (Ca, elle s'est abstenue de me le dire) (C'est pour cela que je ne vous donnerai pas le nom de la marque) (fin des apartés). Cette matière erronément appelée émail est en fait de la résine qui cuit à 70° C. Donc, hors de question de le passer au four à 110 °C en même temps que le décor en pâte polymère...

Émail ou résine, il est quand même joli ce médaillon...

Là, j'aurais été bien embêtée, si la pâte Oyumaru ne m'avait pas sauvé la mise. La pâte Oyumaru, si vous ne connaissez pas, c'est une pâte plastique qui ressemble à de la cire et permet de réaliser des moules facilement et rapidement. Il suffit de la laisser ramollir dans de l'eau à 80 °C pendant 3 minutes, de mouler l'objet à reproduire, et de laisser refroidir. C'était la première fois que je m'en servais, et sa facilité d'utilisation m'a convaincue ! J'ai donc réalisé des copies des compartiments du médaillon. J'ai d'abord moulé un négatif de chaque compartiment du médaillon avec la pâte Oyumaru. J'ai ensuite imprimé ces négatifs dans un bloc de pâte polymère, et j'ai cuit ces éléments qui allaient me servir de base de travail.
Après avoir mis un peu de talc dans les deux compartiments de pâte polymère, j'ai enfin pu commencer à créer mon décor comme si je travaillais directement à l'intérieur du médaillon.
Le fait de ne pas travailler directement dans le médaillon en métal a rendu plus difficile l'évaluation des épaisseurs (je marque un point d'honneur à ce que chaque médaillon se ferme malgré les différents couches de pâte polymère superposées à l'intérieurs.


Après la cuisson, j'ai dégagé les deux portraits de leur gangue. Malgré le talc, ça accrochait un peu, j'ai du dégrossir le moule avec un scalpel, et les portraits se sont ensuite démoulés plutôt facilement.
Ensuite (car ce n'était toujours pas fini), les médaillons nécessitant un travail de grande précision, et avec l'étape du moulage de petites imprécisions se créent, j'ai du poncer délicatement les bords de chaque portrait ainsi que l'arrière, pour que la forme épouse au mieux le médaillon, et que les portraits soient les plus minces possibles.
Ces deux étapes ont été extrêmement délicates, car les couches de pâte avec lesquelles j'ai travaillé étaient si minces que les portraits étaient très fragiles tant qu'ils n'étaient pas associés à la solidité du métal et protégées dans le creux du médaillon.
Lorsque les portraits ont eu la taille et la forme requises pour s'ajuster parfaitement au médaillon, j'ai enfin pu les coller.


Ma seule frustration avec ce projet : malgré tous mes efforts, il n'est plus possible de fermer complètement le médaillon, l'épaisseur de pâte étant trop importante par rapport à la profondeur des compartiments du médaillon. Je n'aurais pas pu travailler en plus petit, je crois avoir atteint mes limites en matière de miniaturiation avec ce médaillon.

Encore une fois, un beau projet et un bel échange avec ma cliente, mais si je compte les heures passées à envoyer des mails, et les 2 ou 3 jours passés à travailler sur le médaillon (plus le stress des frais de douane et les recherches sur le médaillon), je me serai rémunérée à peine 6 euros de l'heure (en fait, même pas rémunérée, 6 € c'est le chiffre d'affaire horaire, ce qui veut dire que le bénéfice pour moi est plutôt de 3 / 4 € de l'heure...), donc ce n'est pas en continuant ce genre de commandes que je pourrai vivre de mon activité et la développer. Les commandes sur mesure sont une véritable usine à gaz. Ça serait gérable si mes tarifs doublaient ou triplaient. Mais, outre l'aspect financier, c'est vraiment l'aspect créatif et le temps qui me font arrêter cette production. J'en ai simplement assez du travail en miniature, je rêve de grande échelle !
Voilà c'est dit ! Mais si vous voulez vraiment un médaillon, faites-moi une offre alléchante et je l'accepterai peut-être... ;)

4 commentaires:

  1. Comme c'est gentil de ta part d'avoir pris le temps de nous expliquer tout ça.
    Donc en fait, ça a l'air d'un travail long et minutieux et s'en est un !
    Comme toi, je pense que des travaux "sur mesure" ne sont pas rentables.
    C'est très bien pour faire un truc pour soi, ou pour faire soi-même directement un cadeau, mais à réaliser pour la vente, c'est du délire.
    Faut pas chercher loin, c'est exactement pareil avec le tricot (sauf que les connassances techniques en tricot sont plus limitées bien-sûr). Bref, de nombreuses fois on m' a demandé de tricoter quelque chose pour quelqu'un en me disant :" je te paierai tes heures de travail!". Bah ça, c'est juste pas possible ! C'est très variable selon la grosseur de la laine, mais quand on voit le prix de la matière qui n'est déjà pas donné, je crois que personne n'est prêt à payer 10 fois le pris de la laine juste pour payer le temps passé de la personne.
    Bon, je t'enquiquinne un peu avec mes histoires de tricot alors je passe à autre chose...
    J'ai vu que tu publiais les dates de tes démo.
    Je suis actuellement dans l'Oise mais originaires du Nord où je retourne parfois rendre visite à ma famille et je ne désespère pas de te rendre un jour une visite !
    Continue comme ça, tu nous ravis de jour en jour !

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  2. Merci pour les explications, et encore, j'ai pas tout compris :), ça a l'air bien compliqué finalement, tu aurais été bien folle de continuer héhé! Sinon, on n'imagine pas du tout le travail impressionnant derrière cette réalisation que j'avais trouvée bien sympa. Bravo Dorothée!

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  3. Houlà! je comprends que tu arrêtes! Personnellement, le sur-mesure est une chose que je propose, mais à mes conditions! Et je n'hésite pas à refuser un projet quand je sens que ça pourrait tourner à mon désavantage (en gros, lorsque je suis pas équipée correctement pour pouvoir mener à bien le projet...) En tous cas, bravo pour le travail, et félicitations pour ton inventivité!

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  4. Tout travail mérite salaire ! Mais ça... y'en a qui comprenne pas toujours :) J'ai fait un article sur le calcul du prix de revient d'un bijou pour éclairer la lanterne de certains : http://www.latelierlyonnais.com/fr/blog/44-l-atelier-lyonnais-backstage
    Parce que créer c'est bien mais pouvoir en vivre c'est mieux !
    La bise,
    Marie.

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Bonne journée.
Dorothée.

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