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mercredi 21 octobre 2020

Arnaud, mon demi-frère. 1972 - 1985

 

Il y a trente-cinq ans s'est arrêtée la vie d'un petit garçon. Il avait treize ans. Il s'appelait Arnaud. C'était mon demi-frère.

J’ai le sentiment d'avoir été dépossédée d'une partie de mon enfance, de ma famille, de ma vie, tous ces moments anodins ou déterminants que partagent les enfants, même si j'ai la chance d’avoir grandi avec une sœur et deux frères.

Je n'aurai jamais de souvenirs d’Arnaud, à part quelques dessins, et des photos un peu floues que la famille m'a envoyées.

Son absence a laissé un grand vide dans ma vie. Je n’ai jamais osé en parler à mon père et je le regrette. Avec la mort de mon père, j'ai eu l'impression de le perdre une deuxième fois.

Le mois écoulé a été éprouvant. J’ai beaucoup pleuré, j’ai écrit, j’ai cherché, j’ai essayé de comprendre : l’histoire de mon père, de ma famille, et le deuil que je traversais (et traverserai encore longtemps), comment nous n’avons appris la mort d’Arnaud qu’en 1997 (?), comment un non-dit peut se transformer en secret de famille et avoir des conséquences même des décennies après.
J’ai pleuré la mort de l’ancienne femme de mon père, trois ans après son fils, même si je n’ai qu’une vague idée du chagrin qu’elle a pu ressentir.
Je m’en suis voulue de ne pas avoir été là pour mon père quand il a appris la mort de son fils.

J’ai joué aux « Et si » : et si les parents d’Arnaud ne s’étaient pas disputés sa garde, et si mon père avait continué à voir son fils, et si Arnaud avait été avec mon père ce jour-là, et si après la mort d’Arnaud la famille en avait parlé à mon père… Mais les « Et si », ça ne fait pas revenir les morts.

J’ai retrouvé la famille de l’ancienne femme de mon père, pour savoir. J'ai reçu quelques photos, et plus que cela, des souvenirs. Quelques mots, mais si précieux.

J'ai aussi contacté les archives de Var Matin. J'avais besoin de voir l'article relatant les circonstances de l’accident.

Parfois j'imagine que rien de tout cela n’est arrivé, que mon demi-frère est toujours vivant quelque part, qu’il a 48 ans, qu’il marié (ou pas), qu’il a des enfants (ou pas), mais surtout, qu’il est heureux. Pendant longtemps, j’espérais le croiser un jour par hasard dans la rue, je savais que je le reconnaîtrais.

Il y a quinze jours je suis allée voir une partie de ma famille dans le Sud. La prochaine partie de mon voyage sera au printemps. Je sais maintenant où est enterré Arnaud, j'ai prévu de me rendre sur sa tombe et celle de sa maman, au cimetière de Six-Four-les-Plages.

Enfin, je retrouverai mon demi-frère.

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Bonne journée.
Dorothée.